Le fardeau social du Covid Long et des maladies invisibles.
Comment la vie social devient difficile voire impossible avec un Covid Long

“Hey, tu vas mieux du coup ?”
Cette phrase banale est très appréciable en général ! Votre interlocuteur souhaite savoir comment vous vous remettez d’une quelconque maladie “classique”. — Vous savez ces maladies où il y a une phase aiguë puis une rémission et un retour à la vie normale. — Ce n’est pas le cas ici avec le Covid Long. Pour une personne avec une maladie chronique, la réaction à cette interrogation est pour le moins “mitigé”. À la fois on remue le couteau dans une plaie qui ne se referme pas, et à la fois on se sent heureux que le reste du monde ne vous ait pas totalement oublié.
Et non, je ne dramatise pas, passer le plus clair de son temps à dormir, incapable de faire quoi que ce soit, c’est mécanique d’être moins considéré par ses pairs. Souvent par bienveillance de la part des autres en plus. Eh oui, votre entourage est devenu conscient de votre incapacité à être aussi actif qu’eux. Sauf que les conséquences sur le malade et son “ancienne vie” sont bien différentes lorsque cela dure plus de 2/3 semaines.
Petit à petit on accentue notre sentiment de honte à l’égard des autres. A force d’annuler à la dernière minute, de devoir refuser des opportunités, de ne plus proposer de sorties on se sent honteux d’exister, de déranger les autres.
On se coupe volontairement de ses amis, et on leur en veut en même temps de ne plus être considéré.
Une maladie chronique invisible c’est une expérience morbide, votre spectre rôde, les autres vous voient mais c’est à peu près tout.
Pour en revenir au « Hey, tu vas mieux du coup ? »
En tant que malade, on se doit réfléchir rapidement à sa réponse et c’est physiquement compliqué (on va voir pourquoi juste après) :
Est-ce que la personne est au courant de ma maladie, et que puis-je lui dire à part « non ça va toujours pas mieux, et j’ai aucun espoir que cela aille mieux un jour d’après les médecins » ?
Est-ce qu’elle est au courant mais ne se rends pas compte, auquel cas il faut choisir entre ignorer et amener des explications ?
Est-ce qu’elle n’est pas au courant et donc je me dois de lui expliquer, si cela ne dérange pas évidemment.
Et ce choix anodin d’une réponse à une discussion, cela nous coûte de l’énergie.
Alors pourquoi est-ce si difficile pour les malades de tenir une vie sociale ?
Le Covid Long est le genre de maladie qui réduit à néant votre qualité de vie. D’après Millions Missing, la qualité de vie d’une personne atteinte du syndrome de fatigue chronique (SFC) est 10 à 30% inférieure à une personne atteinte d’un cancer. Le Covid Long entraine dans la plupart des cas un SFC.
« Mais alors en quoi est-ce si terrible ? »
C’est quelque chose de difficile à décrire, et encore plus à faire comprendre à quelqu’un en bonne santé. La plupart du temps, les autres ne remarquerons pas votre état simplement en vous regardant à un instant T.
« Tu as l’air d’aller bien pourtant, c’est dingue ! »
Ouais, c’est dingue. Je vous épargne les 200+ symptômes recensés (voir illustration ci dessous) pour le Covid Long et nous allons principalement parler des problèmes neurologiques qui impactent la vie sociale. Croyez moi, ça va pas bien. Du tout.
L’article continu en dessous de cette illustration…
Déjà : la fatigue
Le Covid Long génère une fatigue constante, et pas le genre de fatigue qui disparait après une sieste ou une bonne nuit de sommeil. Le genre de fatigue que je n’avais jamais ressenti avant, d’où l’impossibilité pour les personnes en bonne santé de saisir ce que ressentent les personnes atteintes des séquelles post-covid et plus généralement du SFC. On est sur de l’exténuation très prononcée.
“Si on m’avait dit que je serai dans ce cas de figure à mes 30 ans je n’y aurai pas cru.” — Moi
Pour comprendre par l’exemple je vous conseil la lecture rapide d’un excellent article qui utilise de la “théorie des cuillères” pour tenter de saisir le concept.
Théorie des cuillères : comprendre la fatigabilité
Vous avez un handicap, un trouble ou une maladie chronique, mais vous ne savez pas comment expliquer votre quotidien à…www.bloghoptoys.fr
Puis : le brouillard mental
En plus de la fatigue s’ajoute le brouillard mental (brain fog), une difficulté de concentration, le “manque du mot” c’est comme si vous aviez un aperçu d’Alzheimer très très léger, suffisant pour ne plus vous reconnaitre.
Ce brouillard peut être ressenti par n’importe quelle personne qui est infecté par le SARS-Cov2. Normalement il disparait après la phase aïgue. Donc peut-être avez vous déjà ressenti ce symptôme. Les personnes avec un CL vivent chaque jour avec, parfois depuis plus de 2 ans.
Pour imager les choses c’est comme si votre cerveau était dans du coton toute la journée, on perd la sensation d’être présent physiquement. On perd la notion du temps et de l’importance des choses, comme si on était redescendu très bas dans la pyramide de Maslow, notre besoin le plus grand étant devenu simple : avoir un esprit qui fonctionne a une vitesse normale.
Les pires moments : Les migraines atroces qui amplifient chacunes des sensations énoncé avant. Cette fois, le coton prend soudainement feu et on souffre comme jamais, il est alors impossible de faire quoi que ce soit.
La maladie face à la société
C’est un peu comme si vous étiez avec une trottinette sur un circuit de Formule 1, vous avancez à 5% de la vitesse des autres, de temps en temps on vous croise pour savoir quand est-ce que vous allez vous décider à vous acheter une Formule 1 !
Vous n’avancez plus aussi vite que votre entourage dans plein de domaine, en soi ce n’est pas si grave, sauf que vous êtes habitué à aller à la meme vitesse que les autres.
Autrement dit, votre carrière, votre vie personnelle et votre entourage sont remis en question.
C’est comme si vous passiez d’un salaire élevé à un salaire plus faible, vous devez revoir votre train de vie, vos amis (eh oui vous ne pouvez plus sortir aux mêmes endroits qu’eux, faire les mêmes activités, etc.) et votre hygiène de vie.
Et les autres ne vous attendent pas, et on ne peut leur jeter la pierre. Il faut avoir de la résilience.
Il faut savoir garder la face, ne pas montrer aux autres que l’on est au bord de l’implosion, au risque de perdre sa place dans la société ou d’accepter de changer de vie.
Comment vivre avec ?
Comme le dit si bien et mieux que moi @lapsyrevoltee sur Twitter :
« J’aimerais tellement avoir une réponse. La vérité c’est qu’on construit toustes la solution qui nous permet de ne pas nous jeter par la fenêtre. » [En parlant des maladies invisibles dont elle souffre (dont le Covid Long)]
Et c’est très vrai, mais je ne l’avait pas réalisé avant d’avoir lu son thread (allez le lire il est parfait et très touchant).
Alors on se créé des techniques et on s’adapte, enfin on essaie, car la seule chose qui fait que l’Humanité domine cette planète est la plasticité cérébrale, chose que vous n’avez plus vraiment à cause du brouillard mental.
Et puisque chaque mouvement peut potentiellement être une atteinte à votre niveau d’énergie, et que chaque mot que vous pourriez prononcer peut déclencher un “Crash” comme les patients le nomme (une condition physique où vous ne pouvez plus RIEN faire et vous souffrez), vous réfléchissez 10 fois avant chaque prise de parole ⬇️.
Est-ce que cela vaut le coup de parler là tout de suite ?
Chaque conversation que vous pourriez entamer est d’abord soumise à un tribunal interne :
Est-ce que cela va m’entrainer dans un débat trop long ?
Est-ce que la personne en face peut s’énerver (et donc il faudra faire des efforts pour calmer la situation ou nuancer ses propos)
Au contraire elle pourrait rire ! Auquel cas il faudra rire également, appréhender la bonne réaction etc.
Mais votre cerveau fonctionne au ralenti. Parfois je trouve une réthorique à formuler lors d’une conversation, mais bien trop tard. Ce qui fait que je ne peux pas participer à la conversation. Je suis en constant décalage.
Résultat je me sens rejeté à petit feu, car si je ne me bas pas pour exister, les gens ne vont pas le faire pour moi. Sauf que l’énergie n’est plus là.
C’est incroyablement energivore de gérer des relations sociales.
“Petit à petit, on sort du monde social”
Cela a l’air de rien comme ça, surtout si c’est un phénomène qui nous est étrangé. Petit à petit on sort du monde social.En évitant de prendre part aux conversations pour se préserver.
Cette maladie nous rappel à quel point, nous n’existons pas vraiment aux yeux des autres si nous n’interagissons pas avec eux régulièrement.
L’Homme est une espèce sociale, et cette maladie vous déshumanise à petit feu.
Les symptômes dépressifs
En plus de ce phénomènes de dé-socialisation, le Covid Long est reconnu pour entrainer un état dépressif. On commence à voir le cercle vicieux qui se dessine.
C’est pour cela qu’une personne atteinte d’un Covid Long va naturellement se retirer d’un groupe social toxique ou trop complexe à gérer. On va naturellement chercher à cotoyer des personnes avec qui on peut passer un moment simple, sans prise de tête, sans débat, sans confrontations d’arguments et sans jugement.
Je pense que l’on est plus à même de souffrir des problèmes mentaux qui vont avec le CL lorsque l’on baignent dans des groupes sociaux complexes ou trop auto-centrés.
Il faut éviter à tout prit de faire culpabiliser les malades sur leur condition.
Leçons acquises
Lorsque l’on vit avec une maladie grave de ce type, on relativise absolument tout. Déjà car notre niveau d’énergie est faible alors on se doit de faire preuve de pragmatisme sur chacune de nos actions.
Le meilleur traitement pour le Covid Long c’est le Pacing, soit pour faire simple :
Comprendre son train de vie
Rationaliser chaque action
Eliminer le superflu
Prioriser
S’adapter
Sauf qu’en faisant cela, on se doit de couper certains pans de notre vie social, c’est comme cela. On ne sort plus, on évite de trop travailler, on doit s’accorder du temps de repos sous peine de ne pas s’en remettre, on priorise à MORT. Le multi-tache que j’adorais faire, c’est plus pour moi. Je dois me forcer à ne faire qu’une chose à la fois.
Avec le recul, c’est plutôt positif de vivre cela, plus j’avance dans cette maladie et plus je sais ce que je veux de ma vie.
Une autre leçon que j’ai bien assimilée c’est : Arrêter de juger hâtivement. Je me souviens encore de n’avoir pas sur comprendre et donc de m’être moqué d’une personne ayant été déclarée “Asthénique” par son médecin. “Comme si la flemme était une maladie, ahah”, j’en rigole beaucoup moins aujourd’hui ;)
J’imagine même pas les anti-vax qui se retrouve en réanimation, ou les personnes qui pensaient que le Covid n’était qu’un rhume costaud aujourd’hui avec un Covid Long. Le hasard nous donne des leçons parfois, à nous de savoir comment les assimiler et être plus résilient à l’avenir.
La résilience donc la dernière leçon apprise, il faut savoir accepter que :
On est pas invincible
On est pas essentiel à la vie des autres
La santé est le plus important, le reste on peut laisser couler.
On est une machine qui peut s’enrayer et s’abimer, notre corps est un temple, il faut en prendre soin. Je comprenais déjà cette phrase avant, aujourd’hui j’en fait l’expérience.
Pour finir sur une note positive
Parce que l’on aime bien plus un discours si on se sent plus léger à la fin, je vais soulager votre conscience ;)
En tant que malade, nous n’avons pas le choix, et en tant que personne en bonne santé vous ne pouvez pas supporter nos malheurs, c’est bien normal. Alors il faut savoir accepter, comme je le dis plus haut, la résilience est ce que j’ai compris, mais j’ai aussi compris grâce à cette maladie qu’il faut se focaliser sur les bonnes personnes et les activités qui vous procure du plaisir. Vous n’avez pas le temps pour le reste.
Je suis persuadé que la science trouvera des réponses sur ces maladies. Les faits sont là, le CL et le SFC sont des vrais problèmes économiques, et quand cela touche l’argent on trouve très vite des solutions ;).
Parlez en autour de vous
Alors on va se battre et personnellement c’est mon nouveau combat, faire en sorte que les gens cessent de juger les autres de manière stupide et irréfléchi (et pourtant j’ai été comme ça avant…). Chaque épreuve est une occasion d’apprendre et j’apprend beaucoup sur la vie. Mais aussi que la société comprennent que l’on ne peut pas tous vivre à la même vitesse, cela n’est pas pour ça que l’on ne peut rien apporter à ce monde.
Je suis convaincu que cela nous permettra de faire grandir notre société.
Selon moi c’est un peu notre mission, en tant que malade d’expliquer ces pathologies invisibles, si cela peut aider à changer le regard, ne serait-ce que d’une personne sur ce genre de souffrance. Ca vaut le coup d’utiliser son énergie. Cela peut aider d’autre malade à mieux vivre la considération des autres, et peut-être éviter un suicide.
Merci de m’avoir lu :)
Pour en apprendre plus, j’ai rédigé 3 autres articles sur le sujet :
🧪 Point science
On rappel qu’il est démontré par des observations que les personnes atteintes de Covid Long entretiennent un hypo-métabolisme cérébral. Mais également une augmentation de la quantité de liquide céphalo-rachidien, conséquence d’une réduction de la matière grise dans la boite crânienne (oui c’est aussi handicapant que cela en a l’air)