Le Covid Long, comme toute maladie lourde ou chronique a des conséquences violentes sur notre entourage et notre environnement.
Aujourd’hui, on va parler de la lâcheté à laquelle nous devons faire face quotidiennement en tant que malade.
La plupart des malades chroniques de longue date ont réussi à faire ce deuil et à accepter ces états de fait. En faisant la paix avec la lâcheté des autres on s’autorise à guérir. Si c’est votre cas, mieux vaut ne pas lire la suite et éviter de réveiller de vieilles rancœurs.
Pour les autres, on en parle parce qu’il faut justement crever l’abcès pour l’accepter.
Le constat
Face à quelque chose qui fait peur comme l’idée que ce petit rhume ne soit pas qu’un rhume (je parle du Covid). Voire même que n’importe quelle grippe saisonnière puisse en réalité provoquer une maladie ou des syndromes bien plus graves qui peuvent vous handicaper à vie, la société rejette et c’est “normal” quelque part (comme il est normal de ne pas penser quotidiennement à une guerre nucléaire malgré que le risque est fort).
On peut l’observer facilement sur les réseaux sociaux et aussi dans la vie de tous les jours (oralement les gens se permettent aussi ce genre de commentaire).
Sous chaque post qui parle du Covid Long (et qui a un peu de succès), on aura invariablement :
Un commentaire émettant un doute sur la véracité / la réalité du témoignage (les sceptiques en herbe qui ont une vision binaire de la réalité, on vous voit)
Le “sortez un peu, faites du sport ça ira mieux”, sous entendu les malades sont des gros flemmards incapables de se soigner.
Un commentaire qui affirmera que le malade en question est surement trop vieux ou obèse ou diabétique ou [insérer une co-morbidité ici]. Il est à noter que je vois jamais “fumeur”, “alcoolique” ou bourreau de travail (oui parce que le déni du commentateur s’applique aussi à son état)
Le fameux commentaire “Sait-on si la personne était vaccinée ?” parfois affublé d’un “je ne fais que demander hein”, en se croyant éminemment malin et subversif. Mais on sait tous très bien où cette discussion va mener.
Une minimisation du phénomène : C’est qu’une dépression (merci pour les dépressifs), ça n’arrive qu’aux non vax ou à trop peu de gens pour s’en inquiéter, etc.
Le tout simple “le Covid Long [ou la maladie en question] n’existe pas.”
Et en tant que malade on doit ajouter cette maltraitance sur la place publique à la souffrance de notre maladie.
Un fardeau supplémentaire : S’occuper des autres
Vous êtes malade, votre vie par en morceaux, vous perdez tout ce que vous avez construit, vous souffrez tous les jours comme jamais, vous avez très peur de mourir et qu’on vous oublie ?
👉 C’est bien mais dites-le pas trop fort ni trop souvent.
Je vais utiliser la citation d’une femme ayant subi un viol et qui parle de son rapport à la société :
“Tout est fait pour que l’on soit isolée, on est pas censé en parler en public, on est pas censé en parler soirée, on est pas censé en parler à des inconnus, on est pas censé en parler à des gens à qui ont en a déjà parlé (parce que ce serait trop dur pour eux). On est censé en parler un petit peu, mais pas trop, […] pas raconter les détails, pas trop pleurer parce que ca déstabilise. Il ne faut pas être trop joyeuse, parce que les gens pensent que l’on est finalement pas assez traumatisée[…].” — LSD France Culture
Je me retrouve énormément dans cette citation, même si on parle pas du même traumatisme, la mécanique vis à vis des autres me parle beaucoup. D’ailleurs c’est un constat que l’on retrouve dans d’autres traumas, comme les vétérans de guerre, les maladies graves ou le handicap.
En plus de votre santé, de votre manque d’énergie et de votre état mental, vous devez prendre soin des autres et garder vos problèmes silencieux. Alors que eux, ont l’énergie de vous aider, mais bon on va pas perturber leur vie avec une maladie qui peut tout aussi bien les tuer demain.
Vous savez (en tant que malade) que ce mal existe et peut toucher tout le monde, vous savez ce qu’un Covid peut provoquer comme terribles conséquences, mais vous ne pouvez pas trop le dire.
On voit alors débarquer les nouveaux Covid Long en s’offusquant “Personne ne m’a prévenu pour le Covid Long ! L'État ne fait rien ! C’est inadmissible”. Et oui, bienvenue au club ! Même si nous sommes là, même si nous parlons personne ne veut nous entendre, parce que porter le masque c’est chiant.
Le déni de vos amis
La plupart des Covid Long ont perdu au moins 1 ami proche depuis leur Covid. C’est la réalité.
Cela fait mal de perdre des personnes que l’on pensait très proches, et encore plus quand on voit tous les aspects de sa vie se désintégrer à cause de la maladie.
On a vraiment pas besoin de ça.
J’imagine que c’était trop difficile pour eux de faire face à la réalité. Que l’idée de devoir s’adapter et faire des efforts pour soutenir une personne malade aurait demandé trop d’investissement (sachant que je suis déjà heureux quand un ami me demande des nouvelles 1 fois par mois, on est pas sur une hotline 24/7, ça reste gérable).
Mais soit, c’est une manière de s’adapter à sa nouvelle condition de malade, de se rendre compte des valeurs partagées ou non avec quelqu’un.
Le déni de votre famille
Parfois ce sont vos proches qui vous lâchent.
J’ai pu discuter avec un jeune (22 ans) qui a été soulagé que je lui parle de mon Covid Long. Sa famille le traite de faible et ignore complètement sa maladie.
Passionné de foot, il n’est plus capable, depuis le covid, de tenir plus de 5 minutes en match avant de s’effondrer pendant plusieurs semaines. Et personne ne le soutient, il en était venu à penser qu’il inventait ses symptômes. Est-ce que ce n’est pas lâche de la part des autres ?
La propension générale des gens à s’imaginer que 99% des comportements des autres ne sont que des mensonges est grave ! Il faut arrêter cela. Dans l’immense majorité nous voulons simplement vivre honnêtement.
Si c’est votre cas, n’hésitez pas à trouver d’autres Covid Long pour en parler, il ne faut pas garder ça pour vous. Avec cette maladie, tout est amplifié au niveau des sentiments de dépression, vous méritez d’être là et vous n’inventez pas vos symptômes sachez-le.
Heureusement ma famille et mon entourage proche comprennent la situation et m’aident beaucoup depuis, merci à eux.
Bonus : Les repas de famille
On rappelle que le SARS-Cov 2 est aéroporté, et NON il ne passe pas au travers des fibres des masques pour plusieurs raisons.
Plus vous restez sans aérer, plus il y a de chance que vous attrapiez le virus. Autant vous dire que les repas de famille à 25 dans la même pièce pendant 4h ou plus c’est la fête du virus.
Est-ce que vous allez oser dire devant toute la famille “faudrait qu’on aère un peu non ?”. (moi j’ai du mal)
Si vous avez du cran, vous mettez votre masque devant l’attablé :o Et alors là…
Tonton José le voit et vous demande pourquoi vous êtes esclave du masque ? (et lui du blanc, mais chut). Vous répondez, en sortant les études et les arguments (que vous arrivez à peine à vous souvenir parce que votre cerveau a prit 50 ans depuis votre Covid), qui sont bien sûr impossibles à résumer correctement en 2 échanges verbaux entre le verre de blanc et les patates au beurre.
Ça dérape très rapidement sur la vaccination, les personnes à risque, la fameuuuuse dette immunitaire, etc. Et ça finit sur l’immigration (WTF?). Autant dire qu’il est IMPOSSIBLE de se faire entendre sur un sujet de vie ou de mort comme le Covid.
C’est frustrant, les personnes que vous aimez sont en danger sans masque au quotidien (30% de chance d’avoir des séquelles post-covid) mais vous ne pouvez rien dire.
Les politiques, associations, médias & le monde pro
Je pourrais écrire des milliers de lignes sur ces sujets tant les exemples sont nombreux et pas que pour le Covid d’ailleurs. Le déni est partout.
Les politiques ne sont pas seulement dans le déni, mais aussi dans le calcul. Comme certaines associations qui ne sont pas si sincères et ouvertes que j’aurais pu l’imaginer.
Dès qu’il est question d’influence / de politique alors on perd en lucidité et on sera amené à dénigrer certains faits ou certaines personnes pour rester dans son idéologie et c’est bien triste.
A ce sujet je vous conseil de regarder #ouestlagauchesanitaire sur Twitter afin de constater la bonne grosse hypocrisie de ce bord politique vis à vis du Covid.
Quant au monde professionnel, j’ai essayé croyez-moi, j’ai fait plusieurs posts Linkedin pour avertir des dangers du Covid Long en entreprise, quasi aucun commentaires ni visibilité alors que mes posts classiques ont du succès la plupart du temps.
Pourquoi un tel déni ?
La société rejette le problème initial, ici le Covid, rejette la réalité des malades, ici les personnes atteintes de Covid Long, rejette même l’idée d’un quelconque problème.
Le déni a un intérêt dans l’évolution. Il permet de prioriser les problèmes à régler pour soi et ses proches, autrement nous serions paralysé par le nombre de problèmes à régler.
Notre esprit fait appel au déni pour ignorer une situation trop insupportable pour être géré correctement :
Le décès
Les catastrophes
La maladie, le handicap, la douleur (y compris celle des autres)
Les ruptures amoureuses
Les conduites addictives (drogue, alcool, etc.)
Le harcèlement moral/sexuel, le burn-out, les problèmes financiers, etc.
La société est dans le déni pour énormément de sujet comme l’inceste, la traite d’être humain, l’écologie, les conflits nucléaires, la crise énergétique et plein d’autres choses.
Le déni représente notre peur de la finitude, nous pensons avoir le temps de tout faire, nous pensons être invincibles.
Comme si nous avions le temps de lire tout les livres, regarder tous les films, vivre tous nos rêves, mais c’est faux et on le sait au fond de nous. Mais on ne veut pas le voir.
Alors on s’invente des complots pour expliquer ce que l’on ne peut même pas concevoir avec notre faible vision du monde, on procrastine pour reporter à plus tard les décisions, on refoule ses désirs inavouables et on va jusqu'à nier ce qui nous est arrivé tant c’est insoutenable.
Pourquoi c’est grave ?
Plus on retarde l’acceptation de la réalité et plus on retarde les décisions que l’on doit prendre et ce peu importe la situation.
Il faut bien comprendre que la réalité est ce qu’elle est, toutes les dettes devront être réglées à un moment ou à un autre si ce n’est pas par nous ce sera par nos descendants, notre famille ou la société.
Le déni mène à l’inaction, qui est en soi un acte conscient et irrémédiable, car le temps passe et vous avez choisi de ne rien faire. Et parfois il est trop tard.
Dans le cas du Covid Long : Vous devriez mettre un masque sous peine d’être handicapé à vie à cause des ré-infections. Mais si vous dénigrez cette maladie alors vous n’aurez pas à mettre le masque et faire face au jugement social et aux contraintes qui vont avec, c’est plus facile non ?
Être lucide
L’inverse du déni est la lucidité. Pour être lucide il faut être empathique.
Pour contrer le déni, il faut réaliser que nous sommes sur terre pour une courte période et que, malgré que notre objectif ne soit pas très clair, nous devons faire en sorte que nos actes facilitent la survie de l’espèce humaine pour les générations futures.
L’humanité réussit à avancer grâce aux peu de personnes qui sont capables de regarder la réalité en face et d’agir au grand jour. C’est mon intime conviction.
La maladie dissipe le voile de l’hypocrisie et nous met face à la brutale réalité : nous sommes seuls.
Je suis pourtant sincèrement reconnaissant d’avoir le Covid Long dans un certain sens. Au moins, je peux agir maintenant et tenter de me soigner (a minima d’éviter les ré-infections plutôt que vivre avec).
Dans la société, des millions de personnes vivent avec un virus qui détruit leurs organes petit à petit sans qu’ils s’en rendent compte, tout ça pour ne pas porter le masque… (On en est au même point que refuser de mettre un préservatif face au VIH, oui le Covid défonce le système immunitaire aussi et dure dans le temps)
D’ailleurs on en voit déjà les conséquences avec des épisodes de mort subites chez toutes les classes d’âges partout dans le monde. Si vous ne me croyez pas, je vous laisse lire un thread de Tomaso Antonacci qui est édifiant.
L’espoir
Lucidité ne veut pas dire pessimisme ou négativité.
La bienveillance et l’optimisme déraisonné sont le carburant du déni. Il faut un juste milieu.
Je suis conscient de la maladie et de sa gravité, mais pour autant je n’écrirais pas cet article si je pensais que tout était perdu d’avance ou que le monde n’est qu’un ramassis de lâches.
Je mise sur la part de personnes honnêtes et altruistes qui ont la force d’avancer tout en étant conscient des obstacles. Ces personnes je les admire, et inversement je ne veux plus côtoyer ceux qui présentent bien, qui parlent beaucoup, qui étalent de bonnes valeurs mais qui n’agissent concrètement pas.
Merci à vous de m’avoir lu
Billet plus difficile à écrire et à construire. J’aime traiter l’aspect sociologique et social de la maladie, c’est d’ailleurs pourquoi cette newsletter s’appelle “Meta Covid Long”.
Très bien écrit! Merci.
Oui nous sommes seuls face à ce tsunami. Notre vie chavire du jour au lendemain. Nous perdons notre santé, nos projets, notre vie professionnelle, passons en handicap…. Et au moment où nous avons le plus besoin d’être soutenus, ceux que nous pensions être des « amis » vous tournent le dos car votre état les dérange et comme ils disaient « c’est bon, le Covid c’est fini! »
Ils préfèrent vous mentir et vous lâcher par leur égoïsme
Pour ma part, ils ne font plus partie de ma vie. Un nouveau deuil à faire , un de plus mais si je regarde en arrière, je réalise combien ils m’ont fait faire des MPE donc bon débarras mais oui c’est dur car à la base, je les aimais très fort
Ce que je vais dire est terrible, mais c'est la vérité : ma "chance" avec le Covid Long, c'est que je souffrais déjà de douleurs chroniques avant. Je savais que j'allais être face à un mur, invisible. On vit ce choc une fois, pas deux, mais ça prend du temps.
Je suis ravie que vous en parliez. J'aurais aimé, il y a des années, lorsque les douleurs ont commencé à m'handicaper, lire un tel article.
Très honnêtement, j'ai complètement arrêté d'essayer d'expliquer ce que je vis. Le problème, c'est que je me retrouve extrêmement seule.
L'avantage du Covid Long, c'est que malgré tout, il a un nom, il a une actualité et une communauté qui s'est construite autour. Pour mes douleurs chroniques (sans lien avec le Covid Long), elles sont complexes (plusieurs malformations, discopathies dégénératives, arthrose) et ne peuvent être regroupées sous le nom d'une pathologie, donc forcément, c'est plus difficile de trouver du soutien.
Bravo à tous ceux qui se battent pour que le Covid Long soit connu et reconnu. Moi je dois déjà me battre seule pour le reste, déjà 7 ans, bientôt peut être la RQTH. Mon Covid Long a été reconnu mais je n'ai pas de soins. Cela ne change rien à ma situation, car je ne pouvais déjà plus travailler avant d'attraper le Covid...